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Un portait de la profession d’artiste-plasticien aujourd’hui

15/12/2020

Jérémy Sinigaglia, chercheur au laboratoire Société, acteurs et gouvernement en Europe (Sage) a publié en octobre, avec Frédérique Patureau (Deps), l’étude « Artistes plasticiens : de l’école au marché ». L’ouvrage s’appuie sur les résultats d’une vaste enquête menée auprès de plus de 6 000 artistes-plasticiens affiliés à la Maison des artistes.

Jérémy Sinigaglia est maître de conférences
en science politique au laboratoire Sage.
Photo DR

C’est le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture (Deps) qui est à l’initiative du projet. Après avoir effectué des enquêtes sur plusieurs autres professions du secteur culturel, le département se penche sur le groupe des artistes-plasticiens. Le terme regroupe tous les professionnels pratiquant les arts plastiques et visuels (peinture, sculpture, gravure, illustration, performance, installation, etc.).

« Pour le Deps, l’objectif premier de l’enquête était de faire un portrait de la profession aujourd’hui », explique Jérémy Sinigaglia, maître de conférences en science politique et spécialiste des politiques culturelles et des professions artistiques. S’y ajoute un second objectif : celui d’expliquer sociologiquement comment s’opère la distribution des places dans l’espace des arts plastiques, comment se déroulent les carrières. Le chercheur se demande « qui expose, qui vend et à quel prix ? Comment expliquer le succès de certains et les difficultés de certains autres ? »

L’enquête comporte deux volets. Le premier repose sur l’exploitation statistique des réponses à un questionnaire administré à plus de 6000 artistes. Le second repose sur l’analyse d’une cinquantaine d’entretiens approfondis, réalisés avec un échantillon d’artistes issus de l’enquête quantitative. Ces entretiens, réalisés par Jérémy Sinigaglia avec Kévin Caillaud, Olivier Quéré et Vincent Lebrou, alors post-doctorants au laboratoire Sage, ont permis de rendre compte de la diversité des trajectoires professionnelles et d’en préciser les déterminants.

Les femmes mettent plus longtemps à exposer

Le premier constat concerne l’égalité femmes/hommes : les professions artistiques font partie de celles qui se sont le plus féminisées au cours des vingt dernières années. Plus de la moitié des diplômé.e.s d’écoles supérieures d’art sont aujourd’hui des femmes. Pourtant, des inégalités subsistent au niveau des trajectoires professionnelles. Les femmes mettent plus longtemps à exposer, vendent généralement moins cher et plus tard. « L’inégalité dans la répartition des tâches domestiques vient aussi freiner les femmes, que ce soit dans la pratique de leur art ou dans toutes les activités de promotion qui l’accompagnent », analyse Jérémy Sinigaglia.

Moins de parcours atypiques

La deuxième chose que note le chercheur est l’augmentation des inégalités de parcours liées aux origines sociales. « Le passage par une école supérieure d’art est de plus en plus fréquent et détermine assez largement l’accès aux principales ressources utiles pour le développement des carrières, comme les aides publiques à la création artistique ou les résidences. Cette tendance nuit aux autodidactes et aux trajectoires atypiques, qui proviennent majoritairement d’origines sociales plus modestes ».

Pour conclure sur une note positive, Jérémy Sinigaglia souligne une tendance au renforcement de l’organisation collective (syndicats, associations, fédérations) de ces professions parfois solitaires. A l’instar des salariés intermittents du spectacle, les artistes plasticiens revendiquent une meilleure protection sociale et des statuts plus en accord avec les contraintes liées à leurs professions.

Léa Fizzala